La laïcité désigne au sens actuel la séparation du civil et du religieux. Le principe de séparation des pouvoirs politique et administratif de l’État du pouvoir religieux en est une application. Au sens contemporain, elle est le principe d'unité qui rassemble les hommes d'opinions, religions ou de convictions diverses en une même communauté.
L'adjectif "laïque"qui s'oppose d'abord à « clérical », peut aussi désigner l'indépendance par rapport à toute confession religieuse.
« Elle le fait en conjuguant la liberté de conscience, qui permet aux options spirituelles de s'affirmer sans s'imposer, l'égalité de droits de tous les hommes sans distinction d'option spirituelle, et la définition d'une loi commune à tous visant le seul intérêt général, universellement partageable]. »
Jean Baubérot emploie une formule semblable en définissant la laïcité contemporaine sous trois aspects : l’État est sécularisé, la liberté de croyance et de culte est garantie, et les croyances sont égales entre elles.
Les États-Unis sont une République fortement imprégnée par les valeurs chrétiennes (tradition puritaine pour la Nouvelle-Angleterre, mais aussi baptiste, méthodiste, et catholique). Pourtant, dès l’époque de la Révolution américaine, l’idée de laïcité est un concept incontournable en Amérique, hérité des Lumières.
Ainsi, la Déclaration d'indépendance américaine, rédigée par le déiste Thomas Jefferson en 1776, fait référence à un Dieu créateur qui légitime les droits de l’Homme. Jefferson était farouchement attaché à la séparation des Églises et de l’État, comme en témoigne ses écrits :
« J’ai toujours considéré qu’il s’agissait d’une affaire entre l’homme et son créateur, dans laquelle personne d’autre, et surtout pas le public, n’avait le droit d’intervenir. »
Dans l’une de ses lettres, Jefferson évoque l’impérieuse nécessité d’un « mur de séparation » entre l’État et les Églises
D’autres pères fondateurs des États-Unis se sont prononcés en faveur de la séparation des Églises et de l’État :
« Tous possèdent également la liberté de conscience et les protections de la citoyenneté. Le gouvernement des États-Unis n’apporte aucun soutien au sectarisme, ni aucune assistance à la persécution, et requiert seulement que tous ceux vivant sous sa protection se conduisent en bons citoyens [...] Les croyances religieuses d’un homme ne le priveront pas de la protection des lois, ni du droit d’obtenir et d’exercer les plus hautes fonctions publiques existantes aux États-Unis»
« Le gouvernement n’a pas l’ombre d’un droit de se mêler de religion. Sa plus petite interférence serait une usurpation flagrante»
« Le gouvernement des États-Unis n’est en aucune manière fondé sur la religion chrétienne ; il n’a aucune inimitié envers la loi, la religion ou la tranquillité des musulmans. »
« De toutes les tyrannies qui frappent l’humanité, la pire est la tyrannie en matière de religion»
Officiellement, la religion est séparée de l’État par le premier amendement du 12 décembre 1791 de la constitution de 1787. Fait notable pour l’époque, ni la constitution ni la Déclaration des Droits (les dix premiers amendements), les deux textes fondateurs de la République américaine, ne font référence à Dieu ou à la Providence. Ainsi, depuis la fin du XVIIIème siècle, il n’y a pas de religion officielle dans ce pays.
Pourtant, les reférences à Dieu sont omniprésentes dans la pratique politique : George Washington, fut le premier président à introduire le serment sur la Bible, alors que la constitution ne prévoyait qu’un simple serment. On note également le In God we trust sur les billets (En Dieu, nous croyons) qui est devenu une devise officielle des États-Unis le 30juillet 1956 (plus tard qu’on le croit, donc), sur l’initiative d’un député de Floride (Charles E. Bennett) ou le serment des présidents américains sur la Bible lors de l’investiture, etc. Dans les États où, à l'occasion d'un procès (ou de la prise de fonction d'un gouverneur ou d'un sheriff par exemple), les témoins doivent jurer de dire la vérité sur un « document sacré », le choix est possible entre tous les « documents » disponibles : Bible chrétienne sans apocryphes, Bible chrétienne avec écrits intertestamentaires, Torah, Coran, Avesta, etc.
Contrairement à la France, cependant, dans le système éducatif américain, l’État fédéral ne subventionne aucune école religieuse. Enfin, il ne faut pas oublier que le premier amendement fait partie de la première constitution à garantir la non-ingérence de l’État dans les religions et la liberté de culte. En 1875, James Blaine, président de la chambre des représentants, proposa un amendement constitutionnel interdisant les subventions publiques pour tout projet à vocation religieuse. Cet amendement Blaine, bien que rejeté par le sénat, fut adopté par 37 états américains, qui donc ne subventionnent aucune école privée. L'arrivée du chèque éducation a remis en cause cette avancée.
La définition du Dieu auquel se réfère l’État américain est pensée et vécue comme le point commun à toutes les religions ; il ne s’agit donc pas d’un Dieu précis, attaché à un culte défini. D’une manière différente de la France, où l’État rassemble par son indifférence aux cultes, l’État américain rassemble en créant un point commun qui est le fait de croire. C’est la conséquence étonnante d’une laïcité tolérante : en se refusant toute ingérence étatique dans la vie religieuse des citoyens, les fondateurs des États-Unis ont attiré dans leur pays de nombreux immigrants très religieux, parfois brimés dans leurs pays d’origine : mennonites, baptistes, anabaptistes, amishs, quakers, juifs, etc. La forte religiosité américaine, qui connaît son pic pendant la guerre froide, n’est donc pas le vœu des fondateurs du pays mais la conséquence des conditions dans lesquelles le pays s’est construit.
La religion est considérée aux États-Unis dans un sens proche de l’étymologie (religio : créer un lien social). Dans ce cadre, agnostiques et athées sont mal conceptualisés dans le système, car toute personne se rattache par principe à une religion. Une étude de l'université du Minnessota publiée en 2006 montre d’ailleurs que la « communauté » qui inspire la méfiance la plus grande aux États-Unis est non pas celle des immigrants récents, celle des homosexuels ou celle des musulmans, mais bien celle des athées. Néanmoins, la méfiance qu’inspirent les athées aux États-Unis dépend énormément du lieu de résidence des populations étudiées : les habitants de la côte ouest autant que ceux de la côte est, c’est-à-dire une majorité d’américains, acceptent bien mieux l’athéisme que ne le font ceux qui habitent au centre du pays.
In God We Trust (traduit littéralement de l'anglais en « En Dieu nous croyons » ou également « Nous avons confiance en Dieu ») est la devise nationale officielle des Etats-Unis d'Amérique depuis 1956 et son adoption par une loi votée par le Congrès américain. E Pluribus Unum (en latin : « De plusieurs un ») qui était jusqu'alors la devise de facto et qui apparait sur le Grand sceau des Etats-Unis d'Amérique, l'emblème usuel du pays, reste toujours employée. In God We Trust figure sur tous les billets et sur toutes les pièces de monnaie américaine, mais cette présence n'a été généralisée que de manière assez récente.
Il semble que la montée du sentiment religieux, qui aboutit au choix d'une telle devise, prenne son origine dans le traumatisme de la Guerre de Sécession. C'est à cette époque que Salmon P. Chasse, secrétaire au Trésor, a reçu un grand nombre de lettres de personnes très pieuses réclamant que le nom de Dieu figure sur les monnaies de l'Union. Il écrit à son tour en 1861 à James Pollock, directeur du United States Mint à Philadelphie (qui frappe les monnaies), pour lui demander de trouver une devise pieuse à apposer aux pièces de monnaie américaines :
En 1863, James Pollock soumet à Salmon P. Chase plusieurs propositions de devises, mais c'est Chase qui trouvera la phrase définitive : In God We Trust.
Après l'accord du Congrès, la devise apparaît pour la première fois sur la pièce de 2 cents frappée en 1864. Cela s'étendra à plusieurs autres pièces, mais pas de manière systématique et continue. Par exemple, de 1883 à 1938, la formule disparaît des pièces de 5 cents et est oubliée sur de nombreuses autres. Depuis 1938, toutes les pièces de monnaie américaines portent l'inscription In God We Trust.
Ce n'est qu'en 1956 que le Congrès américain vote une loi (approuvée par le Président le 30 juillet de la même année) faisant de In God We Trust l'une des devises nationales qui, à ce titre, apparaîtra par la suite sur toutes les monnaies (à partir de 1957) et les billets de banque (dans la période de 1964 à 1966).
Les États-Unis ne sont pas le seul pays à mentionner Dieu dans un tel contexte. God zij met ons (Dieu soit avec nous) est une des devises des Pays Bas.
L'UNION EUROPEENNE
L'Union européenne regroupe des États ayant des conceptions différentes de la laïcité. Pour tenter de gommer ces divergences, le Projet de traité instituant une Constitution pour l’Europe (juin 2003) consacrait l’article 51 de sa première partie au statut des Églises et des organisations non confessionnelles :
Beaucoup en France se sont élevés contre l’alinéa 3, estimant qu’il accordait aux Églises des privilèges incompatibles avec une constitution laïque. Cet alinéa faisait de toute façon double emploi avec l’article 46(-2) : « Les institutions de l’Union entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile. »
En revanche, d’autres ont regretté qu’il ne soit pas fait référence, non pas à la religion, mais à la culture chrétienne comme socle commun des peuples européens. Mais, il s’agissait d’une référence implicite aux fondements judéo-chrétiens d’une partie seulement de nos systèmes moraux, juridiques et politiques, qui impliquait aussi, de facto, une prise de position sur l’entrée des Balkans et de la Turquie. (sur ce sujet, cf. J-P. Willaime, Europe et religion, les enjeux du XXIe siècle, Fayard, 2004.)
Le Conseil de l'Europe exhorte quant à lui ses États membres à refuser le relativisme culturel et rappelle la primauté de la Séparation des Eglises et de l'Etat et des droits de l’homme. Il les exhorte notamment à veiller à ce que la liberté de religion ne soit pas acceptée comme un prétexte à la justification des violations des droits des femmes et condamne toute coutume ou politique fondée sur ou attribuée à la religion qui irait à son encontre, citant les mariages forcés, les mutilations génitales, les oppositions au divorce ou à l’avortement, l’imposition de code vestimentaire aux mineures (Résolution 1464 (2005)Femmes et religions en Europe.