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Théorie de l'Evolution !! Créationnisme !!! Darwinisme !!! ???

 

Enquête

Le créationnisme étend son influence en Europe

La France serait-elle partie en guerre contre les créationnistes, dont les idées progressent un peu partout dans le monde ? Chercheurs en sciences de l'évolution, philosophes, professeurs, inspecteurs de collèges et de lycées : à l'initiative du ministère de l'éducation nationale, du Collège de France et de la Cité des sciences et de l'industrie, ils étaient en tout cas plusieurs centaines à débattre, les 13 et 14 novembre à Paris, de la difficulté croissante à enseigner la théorie de l'évolution. Et ce bien au-delà des Etats-Unis, berceau, depuis Darwin, du créationnisme.

Fait : observation confirmée de manière répétée, et en pratique considérée comme "vraie". La vérité en science n'est toutefois jamais définitive.

Hypothèse : essai d'affirmation conduisant à des déductions qui peuvent être testées. Plus les déductions sont vérifiées, plus l'hypothèse devient vraisemblablement correcte.

Loi : généralisation descriptive sur la manière dont un certain aspect du monde naturel se comporte dans des circonstances données.

Théorie : explication soutenue concernant un certain aspect du monde naturel, qui peut intégrer des faits, des lois et des hypothèses testées.

 

L'attaque la plus frontale date de début 2007. Dans de nombreux pays d'Europe, lycées, collèges et universités reçoivent sans l'avoir demandé un luxueux ouvrage illustré, L'Atlas de la création. Edité et imprimé en Turquie, il prétend démontrer que l'évolution n'est pas une doctrine scientifique mais de la propagande antireligieuse. Son auteur, Harun Yahya - de son vrai nom Adnan Oktar -, dirige une organisation au financement obscur, dont le principal objectif est de promouvoir le Coran.

 

"LE DESSEIN INTELLIGENT"

 

"La diffusion de cet ouvrage a fait prendre conscience de l'existence d'un créationnisme musulman, jusque-là relativement ignoré en Occident", souligne Olivier Brosseau, docteur en biologie et coauteur d'un excellent petit livre sur Les Créationnismes (Ed. Syllepse). Egalement diffusé en Asie et au Moyen-Orient, ce discours extrémiste n'a toutefois exercé en Europe et aux Etats-Unis qu'une influence limitée. Il en va tout autrement du concept de "dessein intelligent" (intelligent design, ou ID) : le dernier avatar du créationnisme américain, qui, depuis les années 1990, ne cesse d'étendre son influence dans les sociétés occidentales. Sa thèse centrale ? La vie est trop complexe pour être issue d'un processus non dirigé tel que la sélection naturelle. L'évolution des espèces est admise, mais elle ne peut qu'être l'oeuvre d'un concepteur d'ordre supérieur.

Comme les autres, cette théologie naturelle modernisée s'attaque à l'enseignement. Par sa façade pseudo-scientifique (nombre de ses promoteurs sont des universitaires établis), elle ne cesse de marquer des points. En Italie, Letizia Moratti, ministre de l'éducation à l'époque, signe en février 2004 un décret excluant l'enseignement de l'évolution au collège (mesure annulée en 2005 après avoir déclenché une fronde dans la communauté scientifique). Au Royaume-Uni, selon un sondage réalisé en janvier 2006 par la BBC, plus de 40 % des personnes interrogées souhaitent que le créationnisme soit enseigné en cours de science.

La même année, en Allemagne, la chaîne Arte révèle que deux écoles du Land de Hesse, l'une privée et l'autre publique, enseignent le créationnisme en cours de biologie. Pays-Bas, Pologne, Russie, Suède : un peu partout, les exemples se multiplient. Au point que le Conseil de l'Europe, en juin 2007, sonne l'alarme, dans un rapport sur "Les dangers du créationnisme dans l'éducation". Quatre mois plus tard, une résolution est adoptée, par laquelle l'institution invite ses 47 membres "à s'opposer fermement à l'enseignement du créationnisme en tant que discipline scientifique". Ce qui n'empêche pas de constater dans plusieurs pays d'Europe, de la part de jeunes étudiants, une opposition de plus en plus marquée à l'enseignement de l'évolution.

 

UN ENJEU DE SOCIÉTÉ

 

"Cette influence croissante des idées créationnistes ne serait pas si grave si elle n'avait pas de répercussions politiques, remarque Olivier Boisseau. Mais dès lors qu'on fait accepter, d'une façon prétendument scientifique, l'existence d'un concepteur à l'origine du monde, il devient facile d'appuyer des positions législatives très conservatrices, et de faire admettre certains comportements - l'homosexualité, la contraception, l'avortement - comme déviants." Sous ses aspects théoriques, le créationnisme constitue bel et bien un enjeu de société. Et plus encore lorsque celle-ci est en mal de repères. Car les tenants du "dessein intelligent" profitent avant tout d'une confusion des légitimités.

"La théorie de l'ID constitue un article de foi. Or, il n'appartient pas à la science de conforter ou de réfuter un article de foi : ce n'est pas de son ressort", souligne le philosophe Dominique Lecourt. Que faire, dès lors, pour remettre les pendules à l'heure ? Enseigner en quoi la pensée scientifique se distingue radicalement d'une opinion ou d'une conviction personnelle. Mais aussi, suggère le théologien Jacques Arnould, "exiger de ceux dont les propos relèvent de la croyance ou des religions qu'ils expliquent leurs méthodes et pas seulement leur contenu".

Catherine Vincent

Créationnisme: attention, dangers!

Dix professeurs de l’UCL, aux côtés d’autres universités, dénoncent les dangers du créationnisme pour l’enseignement des sciences.
Leur carte blanche a été publiée ce week-end dans Le Soir (du 24 novembre). Ces professeurs ont réagi suite à un vote de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe visant à adopter une résolution contre l’enseignement du créationnisme en tant que discipline scientifique. Pas moins d’un tiers des parlementaires ont voté contre cette résolution. Vote incompréhensible jugent les signataires de la carte blanche. «Le créationnisme n’est pas une matière scientifique et ne doit donc pas être enseigné dans les cours de sciences». Ils rappellent aussi les origines des mouvements créationnistes et dénoncent les relais politiques que trouvent trop souvent ces idées auprès de plusieurs pays européens. Cela a été le cas notamment sous le gouvernement italien de Berlusconi, mais aussi en Serbie, en Russie, en Pologne. (A.T.)
 
| 27/11/2007 |

Créationnisme et sciences de l’évolution : des différences fondamentales

Lorsqu’on parle de créationnisme et d’évolutionnisme, la terminaison en isme invite à penser que, dans les deux cas, il s’agirait d’idéologies ou de partis pris selon des considérations du même ordre Certes, il s’agit de se positionner face aux questions que nous posent la biodiversité et de nombreuses constatations relevant de la biologie s.l. et de la géologie (pour partie : paléontologie, dérive des plaques), quant à l’origine des espèces et l’histoire de la vie. Mais ces deux positionnements ne sont pas du même ordre car  ils ne résultent pas du même mode de pensée et ne sont pas sous-tendus par la même méthode. Après avoir discuté l’usage des termes créationnisme et évolutionnisme dans un article précédent (cf. “Créationnisme, évolutionnisme : que nous disent les …ismes?” ), voyons quelques différences fondamentales entre le créationnisme et ce que nous appellerons plutôt les sciences de l’évolution.  Et quelles conséquences en tirer pour ce qui concerne l’enseignement et la vulgarisation scientifiques ?

Dieu et la science

On le sait, nous sommes tous pétris d’une culture qui résulte en partie du lieu géographique et de l’époque dans lesquels nous vivons. La science n’échappe pas à ces influences culturelles, historiques… Pour autant, elle tente de fonctionner en observant des faits, en proposant et en testant des hypothèses, en ordonnant les faits et les résultats selon une logique qui donne cohérence à l’ensemble et qui aboutit à des théories, scientifiques, à valeur explicative et heuristique.

Les sciences, naturelles en particulier, cherchent donc à se dégager de l’idéologie (ce n’est pas nécessairement le cas de leurs applications).

D’un point de vue social, la science fondamentale ne peut être taxée d’idéologie. C’est d’abord une méthode.

La théorie de l’évolution entre dans ce cadre scientifique qui vise à expliquer le monde. La science exclut Dieu de ses explications, non par idéologie, mais parce qu’elle sait qu’elle ne peut ni infirmer ni confirmer l’existence de Dieu. Elle ne peut donc prendre l’existence de Dieu comme hypothèse, ou plutôt elle considère cette hypothèse comme invérifiable. Alors qu’elle peut tester de nombreuses autres hypothèses, certes de moindre envergure ! mais bien plus opérationnelles pour avancer dans la compréhension du monde, des objets matériels.

Dieu et le créationnisme

dieuBien qu’ils s’en défendent plus ou moins, les créationnistes refusent la démarche scientifique parce qu’ils refusent ou ne sont pas en mesure d’exclure Dieu, le Créateur, de leur méthode de pensée. Pour les Chrétiens, c’est le début de la confession de foi (Credo) : « Je crois en Dieu tout puissant Créateur… ». C’est un fait psychologique. Les créationnistes sont dominés, au sens étymologique (Dominus), par la croyance en ce Dieu qui, en tant que Maître, dicte leurs pensées et leurs actes. Au point qu’ils assimilent l’exclusion méthodologique de Dieu, nécessaire à l’activité scientifique, à une exclusion philosophique, métaphysique voire politique. Les créationnistes, vivant tous les moments et tous les éléments de leur vie sous l’autorité divine, sont plus préoccupés d’ordre social, fondé par l’ordre divin et religieux, que de compréhension rationnelle.

La part du doute

Un autre point, lié au précédent, est la place accordée au doute dans l’activité scientifique, au moins depuis Descartes. D’une part, la science ne pouvant ni prouver ni infirmer l’existence de Dieu, elle est accompagnée de ce doute fondamental : « p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non », peut-être que Dieu existe, peut-être qu’il n’existe pas. Rien, dans le domaine scientifique, ne permet de se prononcer. D’autre part, toute hypothèse – et il y en a de nombreuses, formulées en vue de répondre aux questions qui se posent - est mise en doute tant qu’elle n’a pas été testée. Autrement dit, quelles que soient les convictions intimes du scientifique, celui-ci accepte que ses pensées, tout comme les hypothèses et les théories auxquelles elles se réfèrent, soient remises en question(s).

Les extrémistes, les idéologues, les dogmatiques, refusent ces deux types de doute. Ou, encore une fois, ne sont peut-être pas en mesure de les accepter.

Une hypothèse non testable vs. une théorie scientifique.

Ce que les tenants de la théorie de l’évolution (les exelixiologues ?) refusent, ce n’est pas, a priori, l’idée d’une création possible. C’est le fait que cette idée de création, hypothèse non vérifiée à ce jour, soit élevée par les créationnistes au rang de théorie au même titre que la théorie de l’évolution (au sens scientifique). Et pire : les créationnistes cherchent à faire passer la théorie de l’évolution, avec ses constats, ses hypothèses et ses expériences, comme… une hypothèse parmi d’autres, voire une simple opinion ! Joli tour de passe-passe. C’est la confusion des termes, et la confusion méthodologique l’accompagne.

L’inquiétude des scientifiques

Si les scientifiques s’inquiètent face au créationnisme, c’est qu’ils voient dans cette confusion, dans ce refus du doute méthodologique, et dans certaines manipulations évidentes, le spectre ou le visage de nombreuses intolérances s’opposant à la liberté de penser qui constitue la condition première de la démarche scientifique.

De leur côté, les créationnistes opposent les mêmes genres d’arguments, en appelant eux aussi à la liberté de penser : « On nous impose la théorie de l’évolution à l’école ! ».

Comment s’y retrouver en matière de vulgarisation scientifique ?

Il est important de bien comprendre que, pour les créationnistes, l’existence de Dieu est considérée comme un fait, alors qu’il s’agit en réalité d’une intime conviction ou d’une pensée issue de la tradition.

En ce qui concerne la vulgarisation ou la médiation, l’enseignement et toutes les formes de diffusion de la culture scientifique, il est donc fondamental de revenir aux faits.

En proposant d’observer, de comparer, de tester, d’expérimenter pour construire la pensée à partir de ces faits et des questions qu’ils nous posent. En éduquant et en permettant les apprentissages méthodologiques propres à la science et qui se fondent sur la curiosité et le plaisir qu’elle procure.

En plaçant ces apprentissages dans la pratique concrète du terrain, chaque fois que possible, avant de les placer dans l’ordre du discours ou de la réflexion abstraite.

En adoptant un langage, une pédagogie, des médias, qui soient adaptés à chaque « public » : enfants, grand public, érudits, scientifiques non biologistes …

Ici se posent quelques questions importantes. Qui diffuse quoi ? Avec quel langage et avec quels niveaux de simplification, de « traduction » ? Cela sera peut-être l’objet d’un nouvel article. En attendant, Plume! apporte son concours, ça fait du bien.

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